Visitez la France avec le cinéma français - Épisode 3 : La Corse

Île méditerranéenne et montagneuse, espace naturel avec une population trente fois moins dense qu’en Île de France, la Corse ne pouvait échapper à un cinéma localiste. Les thèmes privilégiés des cinéastes sont l’insularité, la tradition et le retour au pays.

Paradoxalement, de nombreux films censés se dérouler partiellement en Corse ont été tournés ailleurs pour des raisons logistiques. À l’inverse, on sait que pour Le jour le plus long, le débarquement de Normandie a été tourné en Corse par Ken Annakin. Tous les guides et sites touristiques expliquent que c’est à cause de l’aspect non dénaturé de la plage de Saleccia. Mais c’est surtout parce que l’Amirauté britannique qui avait promis de recréer les forces de débarquement n’avait pas parlé de la facture de fuel. Darryl Zanuck s’est donc tourné vers la 6e flotte américaine de Méditerranée qui avait prévu des manœuvres amphibies en Corse en juin 1961. Ce qui n’enlève rien au fait que la plage de Saleccia est l’une des plus belle d’Europe.

Mais il existe bien des films tournés en Corse dont la Corse est le sujet.

L’enquête Corse, tourné en 2003 par Alain Berberian est adapté d’une BD. L’auteur, René Pétillon, dont la BD avait été traduite en Corse et bien accueillie dans l’île, avait affirmé que le personnage principal du film était la Corse. Tourner en Corse une comédie qui repose sur une vision assez caricaturale de la Corse et de ses querelles intestines a nécessité de la diplomatie. Le scénario a été envoyé à des élus locaux. Il se dit même qu’il aurait été soumis pour approbation à une figure de l’indépendantisme ! Evitant d’arriver en terrain conquis, la production a embauché ses assistants sur place de même que plusieurs dizaines de comédiens et autant de techniciens insulaires et bien sûr tous les figurants. L’équipe s’est intégrée à la vie locale en s’installant dans les hôtels et en tournant dans toute l’île.

Mis à part les quelques scènes à Paris où débute l’histoire, L’enquête Corse  a en effet la particularité d’avoir entièrement été tourné dans l’île pendant onze semaines et sur une quinzaine de communes. Alain Berberian a dit avoir eu un coup de cœur pour la Corse tout en ayant la volonté d’éviter d’en faire une carte postale. Mais il organise une visite complète de l’île, d’Erbalunga à  Porto Vecchio en passant par l’Île Rousse ou Figari. Les images des paysages et des villages rendent justice au surnom de la Corse, Île de Beauté. Les scènes de village sont tournées à Tallano en Corse du sud.

Une autre comédie tournée en Corse, Les randonneurs,n’a rien d’une histoire corse. L’accent belge de Benoît Poelvoorde comme accompagnateur local de la randonnée est d’ailleurs étonnant. Mais les paysages du GR 20, de Callezana à Conca  sont bien là, de même que la montagne corse et la mer. Ce film de 1997 tourné par Philippe Harel raconte les vacances sportives d’un groupe d’amis parisiens aux prises avec des complications relationnelles et les difficultés de la randonnée. On n’oubliera pas cette réplique de Mathieu (Vincent Elbaz) :« Comment on peut se perdre alors qu’il y a qu’un chemin ? »

En 2012, on découvre avec Au cul du loup, premier long métrage du Belge Pierre Duculot, l’aspect sauvage de la Corse au travers d’un petit village montagnard dépeuplé. L’héroïne du film hérite d’une maison en Haute Corse. À la recherche de ses origines, elle découvre une autre vie, loin de la ville. Le village Olmi Capella, dans le Giunssani, à 900 m d'altitude. Le réalisateur, enseignant et critique de cinéma, le définit comme “un passage de l’ombre à la lumière, du pays noir de Charleroi au soleil de la Haute Corse.” La montagne Corse y est magnifiée, d’abord dans la brume et la pâle lumière du printemps, comme encore habitée par le long hiver montagnard, avec le Monte Padru encore enneigé, puis sous le resplendissant soleil d’été dans le maquis de la vallée de la Tartagine. Pour en faire admirer le pont Génois, l’équipe a dû acheminer son matériel à dos de mulets. Ce film n’est pas cependant une carte postale corse : « Je voulais un film où l'on ne voit pas la mer, où l'on ne parle pas de vendetta et de terrorisme » a résumé Pierre Duculot.

La culture de la violence et celle du secret sont par contre le sujet de trois réalisateurs d’origine corse. D’abord en 2004 avec Le Silence, d’Orso Miret, tourné à Asco en Haute Corse, et avec Le cadeau d’Elena, de Frédéric Graziani, tourné à Bastia. Ces deux films font justice à la beauté des paysages et des villages, de jour ou de nuit, en été comme en hiver. Le retour au pays, le passé, la famille, la loi du silence, y sont abordés sans caricature. Avec Les Apaches, un film noir tourné à Porto-Vecchio et dans le sud de la corse à l’automne 2012, Thierry de Peretti, né en Corse, choisit de ne filmer de son île que la laideur des zones périurbaines et les méfaits de la violence sociale et raciale comme ceux de la violence culturelle et mafieuse, ce qu’il fait avec réalisme et sans manichéisme.

Si l’on évoque les films tournés en Corse, on ne peut oublier Adieu Philippine, tourné en 1960 par Jacques Rozier, un film emblématique de la Nouvelle Vague, à la fois fiction et document sur la jeunesse des années soixante. Un jeune Parisien fait un court séjour en Corse, mais ce n’est qu’une parenthèse dans sa vie, il va partir pour la guerre d’Algérie. Il y a la montagne, les criques, des plages, des trajets en voiture sur des routes sinueuses, le port de Calvi, mais pas de pittoresque, seulement un accord entre les personnages et les lieux. « Jamais les paysages n’ont été si émouvants dans un film que ceux d’Adieu Philippine. Rozier ne les a pas traités en tant qu’éléments pittoresques et pas non plus en tant que personnages […]Dans ce film on voit un paysage et on pense aux hommes qui y vivent. Vice versa, quand on voit des êtres humains, des filles, des garçons, on pense au monde qui les entoure. En vous disant ça je crois que je n’ai rien fait d’autre que de définir le cinéma (ancien ou moderne, je ne sais pas), mais en tout cas le cinéma. » Jean Luc Godard à Cannes en 1962.

DM

À suivre … Épisode 4 : La région Bretagne

Retrouvez l'épisode 1 sur la région Rhône-Alpes, et l'épisode 2 sur la région Aquitaine.

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