En France, on a tendance à répondre à la question en disant que c’est parce que son réalisateur est français. Mais lorsqu’avec les studios de la Century Fox, Jean Pierre Jeunet réalise Alien : Resurrection, ou lorsque Michel Gondry nous donne Eternal Sunshine of The Spotless Mind, ils font des films américains. Et on pourrait citer bien d’autres réalisateurs français qui ont répondu à l’attrait d’Hollywood avec plus ou moins de bonheur.

On pourrait aussi répondre comme on le pense aux Etats-Unis que la nationalité d’un film dépend de son producteur. Mais on se rend vite compte que la plupart des productions, européennes en particulier, sont des co-productions qui impliquent plusieurs pays. On pourra donc se réjouir si, en l’absence de film français, c’est La Grande Bellezza qui est récompensé en mars à Los Angeles, parce qu’on aime le cinéma italien … et parce qu’à côté de sociétés italiennes, trois sociétés françaises ont co-produit ce film ! Il en va de même pour L’image manquante, film cambodgien aussi en compétition pour le meilleur film en langue étrangère.

On pourrait aussi penser que c’est la catégorie du film qui marque sa nationalité. Vu de Mars, le cinéma américain est sans aucun doute un cinéma d’action, le britannique est social, l’Italien donne dans la comédie satirique et le français est centré sur l’étude de mœurs. Mais un terrien sait que Sergio Leone n’était pas américain, que Jean Renoir n’était pas anglais comme Woody Allen n’est pas français. Tout comme les financements, les genres traversent les frontières. Il est d’ailleurs étonnant d’entendre à New York parler de “romance”, de “burlesque” ou de “film noir” en français dans le texte, tandis qu’à Paris on parle volontiers de “thriller”, de “road movie” et de “biopic”.

Il reste donc à définir dans le “film français” ce que les américains nommeraient un “je ne sais quoi” et qu’on appellera la “french touch” !

Si ce n’est pas leur genre qui fait l’essence des films hexagonaux c’est probablement parce que les cinéastes français filment des vies plutôt que des histoires. Les personnages sont souvent sur une corde raide, parfois déjà déséquilibrés, mais ils continuent de parler de choses futiles avec gravité et de choses graves avec légèreté. Pétris de contradictions et d’instabilité, ils n’ont pas la cohérence psychologique des héros hollywoodiens. Pas d’événement tragique qui vient perturber le cours de leur existence, la rupture est déjà là au plus profond d’eux-mêmes. Les héroïnes associent grâce fragile et détermination ; les héros offrent un mélange de panache et d’auto-dérision. Parfois désenchantés ou perdus, rarement perdants, héros et héroïnes sont souvent à la fois lumineux et fêlés. Ils illustrent ce qu’a si bien chanté Léonard Cohen “There is a crack in everything / That's how the light gets in”.

Dans les films français, on guette cette fêlure qui nimbe le héros d’humanité ; là est le ressort qui fait le succès de ces très nombreux films qui rassemblent en vase clos une famille, des amis ou un groupe de hasard ; comme un effet papillon, la fêlure fait basculer l’individu et bouscule tout le groupe. Le film peut ensuite tourner au drame, à la comédie, au film noir, à la comédie sentimentale ou à la satire – versant parfois vers le tragique, jamais vers le moralisme.

On parle bien sûr ici d’un courant dominant, et on ne peut nier que, bien que tourné en Anglais, Le Cinquième élément, réalisé par Luc Besson et produit par la Gaumont est un film français, comme est français aussi Bienvenue chez les Ch’tis. Cependant le cinéma français qui a du succès auprès d’un certain public américain ne recherche ni les éclats de rire ni les effets spectaculaires. Il ne se livre pas non plus au discours ou à la démonstration. Qu’il explore les rapports familiaux ou sociaux, l’adolescence ou la vieillesse, la touche “so french” qui fait le succès de ce cinéma c’est la recherche de l’intime et de la vérité des personnages, héritage de la Nouvelle Vague.

Et pour vous c'est quoi un film français ?

DM