Quelle place aux Etats-Unis pour les films français en VO sous-titrée?

Si l’on s’intéresse, sur ces dix dernières années, au sort des films français dans les salles américaines, on constate que 43 d’entre eux ont dépassé les 300 000 entrées. Entre barrière de la langue et système de diffusion à coût réduit, la place du cinéma français aux Etats-Unis reste limitée mais est honorable. Analyse.

- 26 films français ont réalisé plus de deux millions d’entrées aux Etats-Unis depuis dix ans. La plupart cependant ont été tournés en Anglais, très souvent en coproduction avec des sociétés hollywoodiennes comme ceux écrits ou réalisés par Luc Besson. Trois seulement ont été tournés en Français, mais ne sont pas pour autant sortis en Français. La marche de l’Empereur, coproduit par la Warner est sorti aux Etats-Unis avec une autre bande son : une musique originale plus “américaine” et une voix off, celle de Morgan Freeman, qui remplace les voix d’acteurs français. Océans, un documentaire de Jacques Perrin qui en est aussi le narrateur, est sorti aux USA avec un commentaire en Anglais dit par Pierce Brosnan. Et The Artist, tourné à Los Angeles et dans les studios Paramount par Michel Hazanavicius, est un film muet ! Ce qui ne retire rien à leur succès.

- 2 films ont dépassé le million d’entrées. Intouchables de Nakache et Toledano a été projeté en version sous-titrée et en version doublée. Le plus grand succès outre-Atlantique pour un film tourné en Français et diffusé en VO sous-titrée reste donc La Môme d’Olivier Dahan avec 1 526 000 entrées.

- 15 films ont fait au moins 300 000 entrées. Mais parmi eux La Science des rêves de Michel Gondry a été tourné en partie en anglais (il existe une VF), Haute tension d’Alexandre Aja et Elle s’appelait Sarah de Gilles Paquet-Brenner ont été doublés, Paris, je t'aime, film collectif a été tourné en plusieurs langues et Bébés, documentaire de Thomas Balmès n’est pas dialogué.

Restent Coco avant Chanel (Anne Fontaine), Ne le dis à personne (Guillaume Canet)et Les triplettes de Belleville (Sylvain Chomet), tous trois au-dessus des 800 000 entrées, auxquels s’ajoutent Renoir (Gilles Bourdos), La vie d’Adèle (Abdellatif Kechiche) et Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran (François Dupeyron). On peut y adjoindre trois autres films aussi produits par des sociétés hexagonales, tournés en Français et projetés en VO : Amour et Caché, bien que Haneke soit Autrichien, Les invasions barbares du Canadien Denys Arcandet Un long dimanche de fiançailles de Jean Pierre Jeunet, coproduit par la Warner, bien que dans le cadre d’un litige avec le CNC, le Conseil d’État ait jugé que c’était un film américain.

Pour tous ces films, on est cependant loin des 4 millions d’entrées obtenues la même année en France par Pierre-François Martin-Laval pour Les Profs. Il faut rappeler que les États-Unis possèdent plus de 6 000 salles et plus de 42 000 écrans, soit 7 fois et demie le parc français.

Le pourquoi de ces résultats : les États-Unis préfèrent le sous-titrage au doublage, ce qui est la plupart du temps appréciable. Mais les films en VO sous-titrée ne bénéficient en général que d’une “limited release”, une diffusion restreinte à quelques grandes villes. Au box-office américain de 2013 (basé non pas sur les entrées, mais sur les recettes), seuls deux films français se trouvent dans les 200 premières places: Renoir (174e) et La Vie d’Adèle (177e) qui a poursuivi sa carrière jusqu’au 5 mars 2014.

Renoir est sorti dans 86 salles et est resté à l’affiche 23 semaines au total. En comparaison, un blockbuster américain peut être présent dans 4 300 salles et rester à l’écran 27 semaines. Dans le même top 200, on ne trouve que huit autres films en langue étrangère : trois films indiens, un film chilien (No), un espagnol (Les amants passagers), un israélien (Le cœur a ses raisons) un italien (La grande bellezza) et un film arabe (Wadjda). On peut donc dire que le cinéma français ne s’en sort pas mal.

Le cinéma américain est fort d’une production pléthorique avec les très gros moyens de production que permet un vaste public national et international. Avatar, film considéré comme le plus cher, a généré plus de 2,7 milliards de dollars de recettes dans le monde, soit sept à huit fois son coût de production. Grosse production implique aussi gros budget promotionnel. Ceci explique le peu d’intérêt des distributeurs américains pour les films étrangers en version originale sous-titrée.

Dans ces conditions, la performance des films français en VO, en progression depuis 2010, est très honorable. Reste à convaincre les distributeurs américains que ces films marcheraient ailleurs qu’en Californie ou sur la Côte Est. Les festivals estampillés Cinéma français œuvrent dans ce sens et font connaître les héritiers de Renoir, Carné, Chabrol, Resnais ou Lelouch dans des villes de moindre importance où les spectateurs américains peuvent s’apercevoir que la catégorie “foreign films” est multiple.

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