"Mustang" défendra la France pour l’Oscar du meilleur film étranger

Le film, en langue turque, aura-t-il plus de réussite que ses prédécesseurs, Saint Laurent, Renoir et Intouchables ?

C’est en Turquie, dans la région d’Inebolu, sur la mer Noire, que la réalisatrice Deniz Ergüven a tourné Mustang, son premier long-métrage. Ce film narre la vie de cinq sœurs confrontées à la condition des femmes en Turquie. Il est nourri de souvenirs d’enfance de la réalisatrice, de souvenirs de ses amies ou de jeunes filles de sa famille. Ses propres souvenirs d’enfance sont surtout des souvenirs de vacances et de quelques années passées à Ankara vers ses 10-12 ans puisque depuis l’âge de 6 mois, elle a presque toujours vécu en France.

Deniz Gamze Ergüven, est turque, née en 1978 à Ankara. Elle reconnaît se sentir française, mais n’a pas renié son pays d’origine. En 2006, elle sort de la FEMIS (l’École nationale supérieure des métiers de l'image et du son) à Paris. Son film de fin d’études, Bir damla su (Une goutte d’eau) évoque le destin de Lale, une jeune femme qui cherche à concilier ses cultures turque et française. Bir damla su est en 2006 au programme de la Cinéfondation de Cannes. Il obtient la même année le prix du meilleur court-métrage à Locarno et à Antalya, ville du sud de la Turquie.

Un film sur la condition des femmes en Turquie

Avec Mustang, Deniz Ergüven se défend d’avoir voulu faire un film militant. Elle ne veut rien dénoncer, mais seulement montrer la vie de cinq filles libres (d’où le titre), cinq adolescentes inconscientes du fait que la société conservatrice et patriarcale sexualise les femmes dès leur plus jeune âge. L’histoire est vue à travers le regard de la plus jeune des sœurs, Lale, prénom que portait déjà le personnage joué par Deniz Ergüven dans son premier court-métrage. C’est elle qui portera les espoirs des cinq sœurs. La réalisatrice ne fait pas de discours mais s’attache à filmer au plus près la réalité des visages, des corps et des gestes.   

Interviewée par la presse turque lors de la présentation à Cannes, Deniz Ergüven a affirmé que son film n’était pas un film naturaliste : elle a ajouté à son histoire une petite lueur tant la situation des femmes en Turquie est sombre. Elle annonçait la sortie de son film en Turquie pour septembre octobre et affirmait qu’elle ne pensait pas qu’il serait censuré. Il sort en effet en avant-premières dans deux salles d’Istanbul les 2 et 10 octobre et plus largement à partir du 23 octobre. Nul doute que la réalisatrice est impatiente de connaître l’avis du public turc qui, comme les spectateurs américains, plébiscite actuellement le deuxième épisode du blockbuster américain Maze Runner

Un film français

Sollicitée, la Turquie n’a cependant pas retenu Mustang pour la représenter, ce qui a permis à la France de le sélectionner. Bien que tourné en turc, Mustang est un film français au même titre que Dheepan, Palme d'or à Cannes, et dont Jacques Audiard a dit que c’était “un film français tourné en tamoul”. Le producteur de Mustang a déclaré à la presse que c’est “un film qui prône des valeurs fondamentales de la France”. C’est aussi un film français par ses influences cinématographiques. Son financement est majoritairement français ; il n’aurait pas pu exister sans son producteur Charles Gilibert et sans le CNC.

Meilleur film de la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, il a ensuite été présenté dans de nombreux festivals et a déjà reçu le prix du public à Odessa et le prix du meilleur film à Sarajevo et à Sakhalin. Dans ces deux festivals, ses cinq jeunes protagonistes y ont reçu collectivement le prix de meilleure actrice. Des cinq jeunes filles, seule la plus âgée avait déjà une expérience devant la caméra.

Reste à savoir si Mustang sera en février l’un des cinq nominés par la commission des Oscars 2016, qui n'a pas retenu les deux derniers films sélectionnés par la France pour l'Oscar du meilleur film étranger : Saint Laurent en 2015 et Renoir en 2014.

Mustang sera distribué aux Etats-Unis par Cohen Media Group à partir du 20 novembre.

Il est au programme du Mill Valley Film Festival les 11 et 12 octobre 2015 

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