Les réalisateurs français sont-ils compatibles avec Hollywood ?

L’Amérique et Hollywood ont souvent fasciné les réalisateurs français et certains y tentent leur chance avec plus ou moins de réussite. Petit retour sur les tentatives des cinéastes français aux Etats-Unis en attendant les sorties imminentes des premiers films américains de Jacques Audiard (De rouille et d'os, Deephan) et Mélanie Laurent (Respire, Demain).

Il est très rare que des auteurs réalisateurs aient sauté le pas pour tourner outre-Atlantique dans une production américaine. C’est ce que vient de faire Mélanie Laurent qui vient d’y réaliser son premier thriller, Galveston, présenté à Austin, au SXSW Film Festival. Vous pourrez déjà le voir le 23 septembre au LA Film Festival. Dans une interview donnée à Télérama elle a souligné les particularités du système américain dans la conception du travail de réalisateur aux États-Unis, notamment dans le choix du scénario : son agent lui a fait parvenir des projets pour qu’elle en choisisse un. Il faut ensuite que le réalisateur se soumette au casting fait par les producteurs, travailler avec des techniciens imposés, et tenter de faire entendre sa voix au moment du montage final. Son film sortira en octobre aux États-Unis et en France.

D’Alice Guy-Blaché à Luc Besson

On a depuis quelques années redécouvert Alice Guy-Blaché, première réalisatrice de l’histoire du cinéma qui tourna en France dès 1896, et aux États-Unis dès 1910. Les premiers cinéastes expatriés arrivent surtout en 1940/41 : ils fuient l’occupation allemande, comme Julien Duvivier qui avait déjà tourné en Amérique dans les années 30, René Clair, et Jean Renoir qui restera 2 ans encore après la libération.

tl_files/actu/2018/courrier DEZ.jpg

Le cas de Renoir illustre déjà le fossé qui sépare les réalisateurs français du système de production américain. Il se plaindra que son rôle se borne à s’asseoir dans un fauteuil pour dire “Action” ou “Coupez”. De son côté Darryl Zanuck, patron de la Fox à qui Renoir s’était opposé dès 1941 sur le tournage et lors du montage de Swamp Water, dira “Renoir has a lot of talent, but he isn't one of us”. La lettre ci-contre, qu'il a envoyée au réalisateur français alors en plein tournage, illustre les différentes manières de faire entre le cinéma d'auteur hexagonal et les films hollywoodiens.

Jusqu’aux années 2000, ces précurseurs seront peu suivis. Depuis, certains réalisateurs, pour favoriser les ventes à l’étranger, ont choisi de tourner en anglais, et avec des acteurs internationaux, des films produits en France. C’est ce qu’a fait Luc Besson avec succès (Le cinquième élément, Léon). Il a ensuite appliqué cette même recette avec ses productions, tournées en anglais mais avec un Français derrière la caméra.

Amanda Sthers s’y est aussi essayée avec Madame, qui compte au casting Harvey Keitel, Rossy de Palma et Toni Collette, sorti en novembre 2017 en France. Sa sortie aux États-Unis ce 23 mars a cependant été plus que discrète.

Jacques Audiard a suivi la même voie pour son dernier film, The Sisters Brothers, avec Joaquin Phoenix et John Christopher Reilly, qui sortira aux Etats-Unis le 21 septembre, notamment dans des salles indépendantes des chaînes Landmark et Alamo Drafthouse. Le film est aussi programmé le 20 septembre au MoMA en présence de Jacques Audiard and John Reilly.

Canet, Jeunet, Ergüven, Kassovitz, des résultats mitigés

D’autres, qui voulaient filmer aux Etats-Unis ont opté pour des co-productions franco-américaines. C’est ainsi qu’en 2013, Guillaume Canet a réalisé Blood Ties. Tournant à New York avec Zoe Saldana et Billy Crudup, il a dû travailler avec figurants et techniciens américains et a trouvé cela “très éprouvant” !

Deniz Ergüven (Mustang) s’y est également essayée en tournant aussi dans une coproduction. Kings est sorti en France et aux Etats-Unis en avril de cette année, avec Halle Berry et Daniel Craig. Avec une très mauvaise critique et une sortie relativement limitée pour un film en anglais, il a fait presque deux fois moins de recettes qu’en France.

Parfois c’est Hollywood qui a sollicité des réalisateurs français. C’est le cas de Jean-Pierre Jeunet. Pourtant son Alien, le 4e de la série, est réputé aux États-Unis pour être le plus mauvais de la série, même s’il est parfois jugé … arty !

Mathieu Kassovitz aussi a été approché par un producteur – qui avait vu Les rivières pourpres – et lui a demandé de réaliser un autre thriller, Gothika. Malgré les mauvaises critiques et un succès moyen eu box-office, il essaye à nouveau avec Babylon A.D. en 2008, une coproduction franco-américaino-anglaise qui sera un flop total - $72M de dollars de recettes dans le monde pour un budget de $70M...

Le succès des enfants de Besson…et de Gondry

Michel Gondry est peut-être le modèle de la réussite outre-Atlantique avec Eternal Sunshine of the Spotless Mind où figurent Kate Winslet et Jim Carrey. Il le doit en partie à son coscénariste américain, Charlie Kaufman, avec qui il avait déjà collaboré pour Human Nature. Mais en 2011, il est demandé pour réaliser le blockbuster The Green Hornet. Il lui en reste beaucoup de mauvais souvenirs : “Ma voix comptait moins que toutes les autres. Le producteur avait interdit au monteur de me parler !”

Certains réalisateurs cependant, qui ne revendiquent sans doute pas un cinéma d’auteur, se sont bien adaptés au cinéma hollywoodien. C’est le cas de Louis Leterrier. Déjà réalisateur en France de blockbusters co-produits par des américains, il a par la suite dirigé The Incredible Hulk , Clash of the Titans et Now You See Me. De même Olivier Megaton avec ses suites de Taken et du Transporteur est un habitué des co-productions à gros budget, toujours produites par Luc Besson et sa société Europa Corp.

Revenir