Le bilan du cinéma français aux Etats-Unis en 2018

Qui succédera à Frantz comme le film en langue française le plus vu de l'année ? Quels ont été les succès surprises et les déceptions ? Isabelle Huppert et Juliette Binoche sont-elles toujours aussi bankables aux Etats-Unis ? Michel Hazanavicius (The Artist), a-t-il toujours la cote ?

Une fois de plus, de très nombreux films français ont été distribués aux Etats-Unis. Les sorties se sont beaucoup concentrées sur les cinq premiers mois et le dernier trimestre a peu apporté de nouveauté. Comme chaque année, les coproductions et les films français tournés en anglais ont le mieux réussi. On notera qu'au total, pas moins de 17 films ont dépassé les 100 000$ de recettes au box-office ! 

Côté critique, les films les plus loués par la presse américaine ont été La mort de Staline, le documentaire de Raymond Depardon 12 jours (dont les critiques ont déploré la trop discrète sortie), Un beau soleil intérieur, Jusqu’à la garde et Les Gardiennes. David Ehrlich pour IndieWire n’a retenu qu’un film français, Un beau soleil intérieur, dans sa liste des 25 films de l’année. C’est également le seul film français parmi les 17 retenus par le conservateur du Museum of the Moving Image à New York pour la rétrospective annuelle. Dans sa rétrospective des 23 films 2018 qui “résisteront à l’épreuve du temps”, l’équipe du MoMA a retenu La mort de Staline.

Voici dans l’ordre ceux qui ont obtenu les meilleurs résultats au box-office américain :

1 - Coproduction anglo-française adaptée d’une bande-dessinée française, La mort de Staline d’Armando Iannucci a bénéficié de son casting américain – Steve Buscemi, Jeffrey Tambor entre autres – pour avoir une très large distribution (548 salles). Il est logiquement au-dessus en terme de recettes en dépassant les 8 M$. Il se classe 131e au classement des films les plus vus de l’année au cinéma aux Etats-Unis.

2 - On retrouve un peu plus loin Maria by Callas, biopic documentaire de Tom Volf sorti en novembre. Déjà projeté sur plus de 200 écrans sur tout le territoire, il est encore à l’affiche dans 75 salles environ et dépassera de loin le million de dollars, un chiffre rare pour un film français. Dans sa version américaine, la voix off de Fanny Ardant qui lit à la première personne des textes de Maria Callas est remplacée en anglais par celle de la mezzo-soprano américaine Joyce DiDonato, ce qui là encore peut expliquer le beau succès du documentaire.

3 - L’insulte, film franco-libanais de Ziad Doueiri tourné en arabe, qui a représenté le Liban aux Oscars en février dernier. Distribué dans une cinquantaine d’écrans américains de janvier à avril, il a dépassé le million de dollars de recettes.

4 - Visages, villages d’Agnès Varda et JR, est sorti en octobre 2017 mais sa distribution s’est poursuivie jusqu’en mars 2018. Sur sa seule période d’exploitation, il a engrangé environ 0,953 M$ (dont 0,235 M en 2018). Distribué dans de très nombreuses salles, il continue chaque semaine de passer en projection unique dans les ciné-clubs, les bibliothèques et les salles des musées d’art. Il s’agit donc du premier film en langue française du classement.

5 - Un beau soleil intérieur (Let the Sunshine In) est une nouvelle réussite pour Claire Denis, dont les films plaisent toujours autant aux Etats-Unis. Sa réputation, ajoutée à celle de Juliette Binoche, et d’excellentes critiques ont permis au long-métrage d’engendrer plus de 0,866 M$ au box-office américain.

Suivent ensuite cinq films qui ont récolté entre 0,200 et 0,400 M$ de recettes :

Un sac de billes de Christian Duguay, sorti en mars, et diffusé dans de nombreux festivals américains du film juif. (0,411 M$). Premier film distribué en salles aux Etats-Unis par Gaumont, le film a dépassé les attentes et pourrait convaincre le studio de poursuivre la conquête du territoire américain.

Happy End, film franco-austro-allemand de Michael Haneke avec Isabelle Huppert, sorti le 22 décembre 2017 et exploité jusqu’en mars 2018 (0,302 M$). Un score cependant bien en-deça des 6,8 M de dollars de recettes d'Amour, son dernier film sorti aux Etats-Unis, en 2012.

Ce qui nous lie (Back to Burgundy) de Cédric Klapisch, un film très ‘terroir français’ autour d’un domaine vignoble (0,257 M$). A noter cependant que le réalisateur français avait obtenu de meilleurs résultats avec ses dernières réalisations : Casse-tête chinois, Paris et Les poupées russes.

Mutafukaz (MFKZ) de Guillaume Renard et Shōjirō Nishimi, sorti en octobre dans 436 salles pendant 2 jours, proposé par Fathom Events fournisseur d’événement en salles (captations live de concerts, opéra, compétitions sportives …) Seules 3 salles l’ont programmé une semaine. Comme pour la plupart des films d’animation c’est presque toujours une version en anglais qui a été proposée. (0,229 M$)

Gauguin: Voyage de Tahiti, d’Edouard Deluc, qui a connu une sortie assez limitée en juillet mais qui a bien trouvé son public (0,200 M$)

Sept autres films ont dépassé les 100 000 $ de recettes, dans l’ordre :

Les Gardiennes de Xavier Beauvois

L’amant double de François Ozon

Le jeune Karl Marx de Raoul Peck

120 battements par minute (BPM - Beats Per Minute) de Robin Campillo, sorti en octobre 2017 mais exploité jusqu’en février 2018

La Douleur (Memoir of War) d’Emmanuel Finkiel. Sorti en août et septembre dans une trentaine de salles, les commémorations de la guerre de 14/18 et sa pré-sélection aux Oscars pour représenter la France l’ont remis à l’écran, la plupart du temps pour une ou quelques séances seulement.

Les fantômes d’Ismaël d’Arnaud Desplechin

Revenge de Coralie Fargeat

On citera enfin parmi les films qui n’ont pas atteint le 100 000$ de recettes au box-office américain quelques surprises, parmi lesquelles Rodin de Jacques Doillon, Le redoutable (Godard Mon Amour) de Michel Hazanavicius, qui n’a pas surfé sur le succès de The Artist ni sur la reconnaissance de Jean-Luc Godard outre-Atlantique, ou encore L’Apparition de Xavier Giannoli, dont le dernier film Marguerite s’était approché des 500 000$ de recettes fin 2016.

Revenir