Le bilan du cinéma français aux États-Unis en 2015

Une soixantaine de films français sont sortis cette année dans les salles américaines, avec plus ou moins de bonheur. FrenchFlicks a demandé à Adeline Monzier, correspondante d’uniFrance aux États-Unis, de faire le bilan de l’année 2015 du cinéma français aux États-Unis. 

L’année 2015 a été excellente pour le cinéma français à l’étranger, qu’en est-il des chiffres des films français aux États-Unis ?

Adeline Monzier : L’année a été bonne mais assez ambivalente car d’un côté les films français en langue anglaise (Lucy, Le Transporteur Heritage, Taken 3) ont très bien marché mais les films en langue française ont eu une année difficile, comme en 2014. C’est bien sûr une bonne nouvelle que les films français tournés en anglais et qui ressemblent aux films américains fonctionnent exceptionnellement bien. Luc Besson est aujourd’hui autant une marque que le cinéma d’auteur auprès des Américains. Les bons résultats des films en français comme La Vie d’Adèle, Renoir, Intouchables ou The Artist sont de plus en plus rares. (En 2015, seules 7% des entrées des films français aux USA l’ont été pour des films en langue française, ndlr)

Le marché de la distribution aux États-Unis est saturé, pas que pour les films français, mais pour tous les films étrangers. Même les films indépendants américains ont du mal à exister face aux blockbusters. Il y toujours autant de films français achetés par des distributeurs américains, entre 60 et 70, mais beaucoup d’entre-eux ont des sorties très limitées. Il y a des films que les distributeurs américains ont envie d’acheter car ils sont attachés au cinéma français, mais je ne suis pas sûre qu’ils croient toujours à leur film et ils donnent parfois peu de moyens à la promotion. Les sorties sont plus anecdotiques qu’avant.

Outre les productions Besson, quels sont les films français qui ont réussi les meilleurs résultats au box-office en 2015 ? 

Cette année Timbuktu et Sils Maria ont atteint le montant symbolique d’un million de dollars au box-office américain. Gett : le procès de Viviane Amsalem, une co-production franco-germano-israélienne, a atteint 988 000$ de recettes. Sils Maria d’Olivier Assayas montre que le grand film d’auteur à la française, quand il est porté par un casting connu - Juliette Binoche et Kristen Stewart - est encore une valeur sûre aux États-Unis.

Comment expliquer les scores relativement faibles aux États-Unis de films à fort potentiel comme T.S. Spivet de Jean-Pierre Jeunet, Samba avec Omar Sy, Eden sur la scène électro française ou encore le thriller La French avec Jean Dujardin ? 

Le distributeur américain Broad Green croyait vraiment que la reformation du trio derrière Intouchables (les deux réalisateurs Olivier Nakache et Éric Toledano, ainsi qu’Omar Sy) pour le film Samba allait à nouveau conquérir le box-office américain. Mais comme souvent avec les films français, il est très difficile de prévoir l’accueil aux États-Unis. Broad Green est un nouveau distributeur, qui a vraiment envie de se lancer dans le cinéma français, mais ils ont eu du mal à faire parler du film, qui est sorti au milieu de l’été. Quant à La French, un bon thriller français, c’est un film de genre comme le font avec talent les Américains. Finalement, quelle est la valeur ajoutée du long-métrage par rapport au cinéma américain ? Les spectateurs qui se déplacent au cinéma pour voir un film français sont très cinéphiles, francophiles, un peu âgés pour la plupart et ils cherchent dans le cinéma français ce qu’ils ne trouvent pas dans le cinéma américain. Ils aiment les films des grands auteurs français comme Jacques Audiard, Arnaud Desplechin, Olivier Assayas. C’est difficile de faire venir ce public-là sur d’autres types de films. 

De quelle manière uniFrance peut venir en aide au cinéma français aux États-Unis ? 

UniFrance a développé le programme Young French Cinema, qui présente des films de jeunes réalisateurs français dans le cadre de programmations événementielles. On travaille avec des salles d’art et d’essai, des universités et on essaye d’atteindre un public plus jeune qui pourrait s’intéresser au cinéma français. 

Le choix de Mustang (actuellement en salles aux États-Unis) pour représenter la France aux Oscars dans la catégorie Meilleur film étranger peut-il aider le film à réaliser un bon chiffre au box office américain ? 

Ça aura un vrai impact s’il est sélectionné dans la dernière short-list de cinq films et donc présent à la cérémonie. Ce n’est pas arrivé depuis longtemps (Un Prophète, 2010, ndlr) et c’est pour ça que le choix s’est tourné vers un film un peu différent, plus inattendu que Dheepan et Marguerite. Le film a bien démarré au box-office avec des chiffres qui n’ont pas baissé entre la première et la troisième semaine. Cela veut dire qu’il y a un bon bouche-à-oreille.

Quelle est l’importance du marché nord-américain pour les producteurs français ? 

Il y a une époque où vendre aux États-Unis représentait un grand intérêt financier. C’est moins vrai aujourd’hui. Mais c’est symboliquement très important car lorsqu’un film se vend sur le marché américain, il se vend immédiatement mieux dans le monde entier. Le marché américain est prescripteur. Parfois des vendeurs font même des compromis financiers pour pouvoir sortir leur film aux États-Unis – quitte à ne faire aucun profit – pour aider la vente du film en Europe ou en Asie.

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