La France terreau des succès des films d'animation américains

Conçu à Paris et réalisé par le Français Pierre Coffin, le film Despicable Me 2 (Moi, moche et méchant 2) est devenu le long-métrage le plus rentable de tous les temps des studios Universal. Une nouvelle preuve de la force des Français sur le marché mondial de l'animation.

Printemps 2007, le producteur américain Christopher Meladandri a le scénario de Despicable Me entre les mains. Effrayé par les coûts de production des films d'animation aux États-Unis (le dernier Pixar Monsters University avait un budget de 200 millions de dollars !), il se lance dans un tour du monde des studios d'animation pour trouver l'équipe qui réalisera Despicable Me. Arrivé à Paris, il rencontre l'équipe du studio Mac Guff et découvre le travail de Pierre Coffin, réalisateur de nombreux courts-métrages et du dessin animé de TF1 Pat et Stanley. Alors âgé de 43 ans, le Français est immédiatemment recruté par Universal, qui décide également de racheter le studio parisien Mac Guff.

C'est ainsi qu'en 2008, Pierre Coffin et le studio français Mac Guff, se retrouvent à la tête d'un projet de 69 millions de dollars. "C'est un budget décuplé par rapport à ce qu'on connaît en France (où le seuil de réalisation d'un film d'animation dépasse rarement la barre des 15 millions d'euros) mais cela reste un tiers que ce que dépense Pixar sur un film", note Pierre Coffin. Après le succès populaire et critique de Despicable Me en 2010, Christopher Meladandri confie la suite du film à la même équipe. Avec un budget estimé à 76 millions de dollars, Despicable Me 2 a engrangé depuis sa sortie en juin près de 700 millions de dollars de recettes mondiales. Un nouvel exemple du savoir-faire français en matière d'animation. Si Despicable Me 2 est une production américaine, le film est bien français dans sa conception.

Les clés du succès : héritage culturel et formation

Plusieurs raisons expliquent le succès des studios français d'animation. La première est la formation. "La France compte les meilleurs écoles d'art et de dessin, avec notamment les Gobelins (Ndlr : où Pierre Coffin a étudié)", confirme le réalisateur. Ainsi chaque année, des représentats de DreamWorks et Pixar visitent les écoles françaises afin de recruter des étudiants encore en formation. 
Gaston Lagaffe, Astérix, Lucky Luke ou encore Spirou : autant de personnages de bandes dessinées avec lesquels les jeunes dessinateurs français ont grandi. "Je pense que la culture de la BD est l'une des clés du savoir-faire français. De Franquin à Bilal, la BD française est très variée. Aux Etats-Unis, les enfants et adolescents lisent principalement les comics et se limitent donc à un seul style de dessin", constate Pierre Coffin.

Autre facteur de ce talent, l'engagement de la télévision française à produire des dessins animés. Pierre Coffin a ainsi réalisé en 2003 pour TF1 la mini-série Pat et Stanley. Un beau succès qui a permis au réalisateur de se faire les dents. "J'ai eu la chance d'avoir carte blanche de la part de la chaîne. J'ai beaucoup travaillé et beaucoup appris". Autant de raisons qui expliquent la confiance des producteurs américains, n'hésitant pas à confier des films comme Despicable Me 2The Lorax ou les Schtroumpfs 2 à des studios français. Une réussite hexagonale qui amène pourtant une interrogation : pourquoi la France est-elle incapable de produire ces films qu'elles réalisent pour les Américains, et comment expliquer l'exode de nombreux dessinateurs français vers Hollywood ?

La peur française du mainstream

"La France ne sait pas produire pour le marché international", affirme Pierre Coffin. "Il y a une question de budget, c'est vrai, mais aussi de volonté. Les producteurs dépensent volontairement peu d'argent dans les films d'animation car ils savent qu'ils les vendront peu à l'international. La logique devrait être inverse. Ils devraient au contraire augmenter leur budget pour viser l'exportation !"

Pierre Coffin met principalement en cause les producteurs français, qui selon lui, ne passent pas assez de temps sur le scénario avant de lancer le projet. "Lorsque Christopher Meladandri a le scénario de Despicable Me entre les mains, il sait déjà ce que doit raconter le film et il connaît très bien ses personnages. Réussir à faire un film d'animation avec un méchant comme personnage principal, cela démontre une vraie clairvoyance dans la conception de l'histoire et des personnages. Rien n'est laissé au hasard".

Enfin, Pierre Coffin reproche à la plupart des films d'animation français d'être trop "auteurisants" aux dépens du "public populaire". "L'autre problème, c'est le concept 'tout public' en France, qui se traduit par des films destinés uniquement aux moins de dix ans. Un film tout public aux Etats-Unis vise au contraire à plaire à tout le monde, d'où l'expression ! Les adultes commes les enfants doivent s'y retrouver. Pixar l'a bien compris. Et cela sous-entend donc que l'on ne prend pas les enfants pour des abrutis", affirme-t-il.

Wall-E, par exemple, allie divertissement et réflexion. Et n'épargne pas la société amériaine. Mais Pixar a réussi le tour de force de rendre mainstream un film pourtant muet dans sa première demi-heure. "Sur le fond et sur la forme, ce film aurait pu être européen. Il est d'ailleurs influencé par la bande dessinée française", affirme Pierre Coffin.

L'avenir de l'animation passe donc par des coproductions franco-américaines selon le réalisateur. "Le talent et l'expérience des deux pays sont très complèmentaires", confirme Pierre Coffin. "Les Américains savent où placer leur argent tout en nous laissant à nous, Français, la liberté de créer". Les portes d'Hollywood sont désormais grandes ouvertes pour le réalisateur français, qui a déjà signé avec Universal pour un troisième opus de Despicable Me. Le long-métrage sera, comme les deux premiers films, entièrement conçu à Paris dans les studios Illumination Mac Guff.

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