Conte d’été : Un film sans une ride d’un jeune homme de 75 ans

Jamais distribué aux Etats-Unis, ce film d’Éric Rohmer sort dans 27 salles à travers les Etats-Unis cet été. À ne pas manquer !  

Film de 1996, Conte d’été est le troisième film du cycle des Contes des quatre saisons. Big Word Pictures en sort une copie numérique restaurée. Pas de fil conducteur ni de personnages récurrents dans ce cycle rohmerien, mais un thème unique : les rencontres, et autour d’elles, l’attente, le hasard, le jeu de la séduction et les complications amoureuses. Quand on évoque les paysages de vacances et la mise en scène minimaliste de Conte d’été, on pourrait penser qu’il s’agit d’un roman photo, mais on en est loin. Dans les films de Rohmer les personnages n’échangent pas en quelques bulles des banalités sucrées : les duos sont éloquents, mais jamais bavards, les dialogues sont intelligents et pourtant si naturels. Rohmer était d’abord un écrivain, tous ses dialogues, à quelques exceptions près, étaient écrits, parfois longtemps avant le tournage. « Les hésitations, les parenthèses, les redites, les points de suspension sont écrits » avait dit Rohmer à propos de Ma nuit chez Maud. Certains éléments des dialogues de Conte d’été étaient dans les cahiers d’Éric Rohmer depuis cinquante ans !

Mais Rohmer était aussi un peintre paysagiste. Comme les impressionnistes au 19e siècle avec leur chevalet, il aimait poser sa caméra en extérieur et filmer en décors naturels. Rohmer, qui a d’ailleurs tourné des documentaires sur les paysages et leur évolution, leur laisse une grande place dans ses longs métrages, recherchant l’harmonie des lieux avec ses personnages. « Pour donner consistance à l’histoire, j’ai besoin de connaître les comédiens et les lieux » a t-il confié. Dans Conte d’été, tourné en Bretagne, le cadre est sublime. On sent l’air circuler autour des personnages, on est avec eux dans la lumière océanique du milieu de l’été. Dans ce film, les nombreuses discussions menées en marchant illustrent cette adéquation naturelle entre le décor et les protagonistes. Le son aussi est naturel, en prise directe, jamais souligné par de la musique tant celle des mots et des voix est importante. La musique n’est là que lorsque les personnages en font ou en écoutent. Le silence aussi joue sa propre musique, notamment au tout début du film. 

Ce film n’est pas une love story. Les personnages sont ordinaires, ils ne vivent pas d’événement paroxystique, mais une vie normale. Ils sont attachants, avec leur indécision, leurs maladresses, leurs défauts et leur complexité. Conte d’été est une étude psychologique dont le personnage central n’est pas figé. Toujours sincère, en recherche de lui-même, il change selon son interlocutrice, selon son intention, selon le jour des trois semaines pendant lesquelles se déroule “l’action”. Conte d’été est un film sur la jeunesse, parfois conquérante, parfois hésitante, avec son mélange d’innocence et de calcul, de peurs et de promesses.

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Éric Rohmer, décédé il y a quatre ans est l’une des figures de la Nouvelle Vague. Il a laissé derrière lui tant de films au ton indéfinissable qu’on ne peut en distinguer un. Celui-ci vous donnera envie de voir les autres saisons du réalisateur… et qui sait, toute sa filmographie ?

DM

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