Pourquoi les Européens vont-ils moins au cinéma ?

La fréquentation des salles a baissé en Europe alors que les Etats-Unis ont réalisé une année record. Un paradoxe pas si facile à expliquer.

Le Hollywood Reporter s'est penché sur cette question qui préoccupe producteurs et exploitants en Europe. Avec 11,89 milliards de dollars de recettes, le box-office américain a battu tous les records en 2018, grâce notamment aux succès de Black Panther, Avengers: Infinity War et Incredibles 2. Dans le même temps, la fréquentation des cinémas a baissé de 15,5 % en Allemagne sur un an, de 4,3 % en France, pour une moyenne de -3 % sur toute l'Europe. Le Royaume-Uni fait figure d'exception avec 3,7 % de spectateurs en plus entre 2017 et 2018.

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Le magazine américain écarte les réponses données en Europe qui mettent en cause la concurrence de Netflix ou encore celle de la Coupe du monde cet été. Il souligne à juste titre que l’Allemagne, éliminée au premier tour, a été beaucoup plus touchée par la baisse de fréquenations des salles que l’Angleterre qui a disputé une demi-finale et que la France qui l’a emportée.

Et pour contrecarrer l'argument Netflix, le Hollywood Reporter cite une étude universitaire allemande. Celle-ci prouve pourtant une corrélation entre la progression des abonnements à Netflix et la baisse de fréquentation en salles, car si dans un premier temps les abonnés à la plate-forme de vidéo à la demande ont été aussi plus susceptibles d’aller au cinéma, avec la production de contenu original l’effet s’inverse, d’autant plus que cette production devient locale et de meilleure qualité.

Le magazine balaye cependant cet argument, expliquant que les productions américaines font face à la même concurrence, et venant de multiples plates-formes. Alors, comment expliquer cette différence entre l'Europe et l'Amérique du Nord ? Le Hollywood Reporter pointe plutôt la vétusté des salles italiennes non climatisées et le vieillissement des multiplexes allemands par exemple, soulignant à l’opposé les efforts des exploitants britanniques pour moderniser ses salles et rendre l'expérience du cinéma unique et incomparable au visionnage d'un film sur une télévision ou un iPad.

Cependant, l'article ne prend pas en compte le fait que Netflix est arrivé aux Etats-Unis depuis 20 ans déjà. Hollywood a eu le temps de mettre en place une stratégie payante pour faire face au développement des services de vidéo à la demande : des blockbusters beaucoup plus fréquents, tournés en 3D avec des effets numériques abondants, moins agréables à voir sur un petit écran. De leur côté les salles ont suivi en proposant un son immersif et des écrans IMAX.tl_files/actu/2019/salles 2.jpg

Il reste que les producteurs européens n’ont pas la même puissance financière qu’Hollywood pour proposer sur grand écran des spectacles que n’offrent pas les écrans de télé ou les ordinateurs. Les salles du Royaume-Uni, plus perméables aux blockbusters et déjà concurrencées par Netflix deux ans et demi avant la France et l’Allemagne ont effectivement fait des efforts pour une offre haut de gamme. Pas sûr cependant que la recette soit infaillible. En 2010 aux Etats-Unis, les recettes des salles IMAX dépassaient 20 % du total, elles sont depuis tombées à 15 %.

Concernant la France, la baisse de fréquentation n’est pas assez significative pour en tirer des conclusions. 2018 n’est pas la plus mauvaise de la décennie. Et il faut rappeler qu’après la chute vertigineuse des années 60 à 90 (116 millions de spectateurs en 1992), le nombre de spectateurs n’a repassé la barre des 200 millions qu’en 2009.

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